19 novembre 2024
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Priorité de l’agenda politique de 2015, l’écologie cherche aujourd’hui les instruments économiques qui pourront peser dans la lutte contre le changement climatique. A ce titre, la fiscalité écologique, c’est-à-dire la compensation des nuisances environnementales par l’impôt, revient régulièrement au cœur des discussions. Pour autant, ce mécanisme compensatoire permet-il également de faire évoluer nos comportements ? Eclairage avec Pierre-André Jouvet, directeur scientifique de la chaire d'Economie du climat et Professeur à l’université Paris Ouest, Nanterre - La Défense.
Lorsque le rôle de l’impôt dans le respect de l’environnement est évoqué, le principe simple et facilement compréhensible du « pollueur-payeur » vient à l’esprit. Le « bonus-malus » associé aux ventes automobiles et instauré il y a quelques années en est directement issu. Son principe est clair : plus le véhicule acheté est polluant, plus son malus est élevé.
Le montant du malus suffirait-il à orienter nos choix ? L’impact est d’autant plus important que l’allocation des ressources récupérées est orientée en faveur d’une démarche plus respectueuse de l’environnement notamment concernant la production.
Certaines grosses berlines ou voitures de sport se trouvent ainsi de fait fortement taxées. « Indépendamment de l’impact sur les ventes, cette mesure a amené les constructeurs automobiles visés par cet impôt à engager des actions de recherche et développement pour diminuer leur consommation », indique Pierre-André Jouvet. « A ce titre, la mesure a produit un effet d’innovation sur le marché. »
C’est dans cette même optique que Ségolène Royal, ministre du Développement durable, a annoncé la « stratégie bas carbone ». Elle concerne les entreprises et se décline par grands domaines d’activité (transport, BTP, agriculture, etc.) sur trois périodes : 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028. Objectif : demander à chaque entreprise de réduire de façon drastique (jusqu’à 30 %) ses émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Les conditions d’application de cette stratégie ambitieuse seront dévoilées à l’automne, et devraient modifier en profondeur les modes de production actuels.
Depuis 2014, les contribuables français sont redevables d’une taxe carbone baptisée Contribution Climat Energie (CEE). Elle s’applique actuellement sur l’essence, le gazole, le gaz naturel et le fioul domestique. Concrètement, elle ajoute 1,80 centime au prix de l’essence et 2 centimes au prix du gazole. Elle doit rapporter plusieurs milliards à l’Etat français, mais demeure aujourd’hui peu connue des Français.
« La Suède a opté pour une approche différente, plus lisible pour chaque consommateur », explique Pierre-André Jouvet. « La tonne de CO2 coûte 115 €. De fait, les Suédois ont modifié leurs comportements et opté pour les énergies qui leur coûtent le moins cher. »
En France, il existe également d’autres initiatives, mais qui se révèlent aujourd’hui peu incitatives. Par exemple, lorsqu’un particulier ou une entreprise achète un équipement électronique, il s’acquitte désormais d’une « éco-participation » destinée à financer une partie des coûts liés au recyclage des appareils anciens. « Ce montant symbolique de quelques euros n’influence pas les comportements d’achat, explique Pierre-André Jouvet, cette taxe étant assez homogène, elle n’oriente pas le consommateur vers un produit plutôt qu’un autre en fonction de son impact sur l’environnement. »
Aux différentes taxes évoquées précédemment, viennent s’ajouter d’autres mesures incitatives qui sont davantage perçues comme des récompenses, à l’instar du crédit d’impôts pour la transition énergétique. Ainsi, l’appareil fiscal pour la transition énergétique prend aujourd’hui des formes très différentes. Une chose est certaine, la révolution industrielle verte est bien en marche.
Rédaction achevée au 20/10/2015, sous réserve d’évolutions de l’actualité économique et financière, ainsi que des dispositions fiscales, juridiques et réglementaires.
directeur scientifique de la chaire d’Economie du climat et Professeur à l’université Paris Ouest, Nanterre – La Défense.