12 décembre 2024
Le magazine en ligne de la Gestion Privée Caisse d’Epargne pour vous guider dans vos projets patrimoniaux.
Après une année très agitée sur le plan politique, en France comme à l'international, il est temps de faire une rétrospective sur les conséquences macroéconomiques et surtout, de dresser les perspectives pour les mois à venir.
Retrouvez ci-dessous la retranscription de l’interview de Philippe Waechter, Directeur de la Recherche économique chez Ostrum Asset Management.
Quel bilan macroéconomique tirez-vous de l’année 2024 ?
Il y a plusieurs éléments à regarder sur l’année 2024. Le premier, sur le plan cyclique, c’est le ralentissement très marqué de l’inflation dans tous les pays occidentaux. L’inflation avait accéléré au printemps 2021, elle est revenue maintenant dans la zone habituelle, c’est-à-dire autour de 2 % que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Ça, c’est un facteur extrêmement important, ce qui a permis aux banques centrales d’adopter une stratégie monétaire plus accommodante depuis la fin du printemps 2024. Le deuxième aspect, c’est que la croissance globale a été assez hétérogène : très forte en Chine, très forte aux États-Unis, beaucoup plus modeste en Europe avec une récession en Allemagne et une situation française qui a été un petit peu chaotique : tirée vers le haut au moment des Jeux Olympiques, mais la fin d’année est beaucoup plus complexe aujourd’hui. Sur le plan géopolitique, on a vu tout au long de l’année 2024 des tensions très marquées entre la Chine et les États-Unis, notamment sur les questions de transfert technologique. On sait bien qu’entre les deux États, il y a une problématique de prééminence technologique et les États-Unis ne veulent surtout pas lâcher l’affaire et rester le leader en matière technologique. Et le dernier point pour l’année 2024, c’est le fait que la température du globe a passé le niveau de 1,5 degré pour la première fois au mois de novembre 2024. C’est important parce que 1,5 degré, c’est le seuil minimum – ou maximum, c’est l’objectif de l’accord de Paris, ça veut dire que les transitions, les efforts et les investissements à mettre en place pour que cette température globale reste aux alentours de 1,5 degré sont encore très importants à mener, et c’est ça aussi la leçon pour l’année 2024.
Quelles sont les perspectives économiques pour 2025 ?
L’année qui s’ouvre va être marquée en tout début d’année par l’arrivée de Donald Trump. On sait qu’il a un programme assez marqué sur le plan économique, il veut mettre en place des tarifs douaniers très élevés pour tout le monde, entre 10 et 20 % pour tous les produits qui arriveraient aux États-Unis, 60 % pour les produits chinois, 25 % pour les produits mexicains ou canadiens. Les entreprises vont être pénalisées, qu’elles soient en Chine ou en Europe, donc ça va être un frein pour l’activité en dehors des États-Unis, mais pour les Américains eux-mêmes ça va être un coût supplémentaire parce que les entreprises ne vont pas absorber toute cette hausse de tarifs. On va donc avoir une situation très nouvelle qui va être mise en place et qui va être complexe à gérer. L’autre élément clé sur le plan conjoncturel, c’est de voir comment la situation va évoluer en Europe. On espère que l’inflation va ralentir pour favoriser la consommation, mais on voit bien qu’il y a des divergences de croissance entre les États-Unis, la Chine et l’Europe et on espère qu’en 2025 un certain nombre d’éléments seront mis en place se donner les moyens, pour donner les moyens à l’Europe de rattraper ou tout au moins de se maintenir dans la dynamique générée par ce qui se passe aux États-Unis ou en Chine. Donc là, il y a un enjeu extrêmement fort pour l’ensemble de l’Union européenne.
Quel sera selon vous le principal défi économique pour l’année à venir ?
Avant la pandémie, on avait un monde très ouvert, avec des opportunités à peu près partout. Ce qu’on voit depuis la pandémie, depuis la pénurie de semi-conducteurs ou d’autres produits en 2021-2022, c’est que tous les pays souhaitent être plus autonomes dans leur développement. On a vu réapparaître la notion de politique industrielle. L’année 2025 va très probablement accentuer ce phénomène : la Chine va se lancer dans sa politique budgétaire de recentrage de sa croissance ; les Américains, avec leur stratégie de barrières aux frontières, valident aussi ce scénario ; et en Europe, on aura cette situation – on espère aussi une réponse européenne sur ces questions. Cela va être plus compliqué à gérer, avec une conséquence majeure pour le secteur bancaire et financier : les banques centrales, notamment la Fed et la BCE, pourraient avoir des dynamiques qui ne seraient plus aussi cohérentes que par le passé, chacune suivant le cycle et les contraintes locales. Cela va probablement être un changement assez important, c’est l’élément clé. À cela s’ajouteront des problématiques de tensions technologiques, de tensions sur les matières premières. On l’a vu, la Chine est en train de couper les ressources en terres rares pour les États-Unis. Donc, on aura tout un tas de tensions qui vont apparaître, qui vont même probablement être exacerbées par rapport à 2024. Ne croyons pas que l’année 2025 sera plus simple que 2024. Elle sera probablement beaucoup plus complexe parce que chacun aura alimenté ses propres moyens pour se développer de façon autonome.