18 septembre 2024
Le magazine en ligne de la Gestion Privée Caisse d’Epargne pour vous guider dans vos projets patrimoniaux.
Dans ce premier épisode de notre saison 3, Stéphanie Chiappero, spécialiste patrimonial à la Caisse d'Epargne Côte d'Azur, répond à l'une de vos questions sur l'impact d'un divorce sur les enveloppes d'épargne.
Ingrid Labuzan : Près d’un mariage sur deux se solde par un divorce, pourtant les couples qui anticipent les conséquences financières de cet événement sont assez peu nombreux. Or, divorcer, c’est partager. Alors quand on divorce, qu’est-ce qu’il se passe pour les enveloppes d’épargne comme le PER, l’assurance vie ou les livrets ?
Stéphanie Chiappero : Lors d’un divorce, le notaire procède à la liquidation du régime matrimonial, donc il va chiffrer le patrimoine en intégrant tous les biens : immobiliers, mobiliers et argent (dettes comprises) et déterminer leur sort. Autrement dit, on fait les comptes et on répartit les biens. Les règles de partage qui s’appliquent seront dépendantes du régime matrimonial et varient d’un produit à l’autre.
Ingrid Labuzan : On sait que l’un des produits d’épargne phares des Français est l’assurance vie : quel sort lui est réservé lors d’un divorce ?
Stéphanie Chiappero : Si vous êtes marié sans contrat selon le régime de la communauté réduite aux acquêts, qui est le régime légal actuel et donc le plus courant, voici ce qu’il se passe :
• Si l’un des époux a souscrit une assurance vie avant le mariage, ou pendant l’union mais avec des fonds propres, issus d’un héritage ou d’une donation, via une clause d’emploi ou de remploi, ce contrat reste sa propriété exclusive. Attention, pour cela, il est important de déclarer clairement l’origine des fonds versés dans le contrat afin d’éviter des complications lors de la séparation.
• Sinon, si le contrat a été souscrit pendant le mariage avec des biens communs, deux choix sont possibles : si l’un des époux souhaite conserver l’assurance vie, il devra verser 50 % de la valeur du contrat à l’autre époux en opérant par exemple un rachat partiel. Si les deux époux veulent mettre fin au contrat, la valeur du rachat sera celle du contrat au jour du divorce ; c’est celle qui figurera à l’actif commun et cette valeur sera partagée entre les deux époux.
Ingrid Labuzan : Et quel est l’impact sur l’assurance vie quand on se trouve dans le cadre d’un mariage sous contrat, comme la séparation de biens, la communauté universelle intégrale ou la participation aux acquêts ?
Stéphanie Chiappero : La situation est différente pour chacun.
• Pour le régime de la séparation des biens, généralement, le divorce n’entraîne aucune conséquence sur un contrat d’assurance vie. C’est également le cas pour les partenaires de Pacs en cas de séparation.
• Dans le cas du régime de la communauté universelle intégrale, le capital d’un contrat d’assurance vie est divisé de manière équitable entre les époux.
• Quant à la participation aux acquêts, tout dépend de la date de souscription et de versement des capitaux. Le traitement civil du contrat d’assurance vie est sensiblement identique à celui applicable au régime légal.
Ingrid Labuzan : Pour conclure sur l’assurance vie, y a-t-il un point sur lequel vous souhaiteriez attirer l’attention de nos auditeurs ?
Stéphanie Chiappero : Pour éviter tout litige avec votre ex-conjoint – vous n’avez sans doute pas envie qu’il bénéficie de votre assurance vie alors que vous êtes en instance de divorce –, soyez vigilant à la rédaction de la clause bénéficiaire. Mieux vaut privilégier la formule « mon conjoint, non séparé de corps ou mon partenaire de PACS… » plutôt que de le nommer.
Ingrid Labuzan : Il n’y a pas que l’assurance vie, il y a d’autres supports d’épargne comme l’épargne retraite, l’épargne salariale… Les règles sont-elles les mêmes que celles que vous venez d’expliquer pour l’assurance vie ?
Stéphanie Chiappero : Pour l’épargne retraite, il faut considérer le régime matrimonial certes, mais aussi la provenance des fonds et les dates de versement. En régimes communautaires, un PER est un bien propre par nature, c’est-à-dire que la moitié de la valeur du contrat ou une récompense pourra être due selon que le régime est la communauté universelle ou si le contrat est alimenté avec des fonds communs. Et c’est le même principe pour la participation aux acquêts.
A noter tout de même que tous les fonds qui proviennent de la participation, de l’intéressement et de l’abondement de l’employeur et qui sont déposés sur un PEE sont des fonds communs. Cela veut dire qu’ils devront être partagés à parts égales.
Ingrid Labuzan : Et concernant l’épargne liquide ?
Stéphanie Chiappero : Pour l’épargne liquide, c’est plus simple. Concernant les livrets, le Plan d’Epargne Logement ou le compte à terme, en régime de communauté, elle est partagée quel que soit le nom du titulaire du compte. On distingue bien le titre de la finance. Si elle appartient à des époux séparés de biens, chacun en conserve son entière propriété.
Ingrid Labuzan : On le sait, le divorce appauvrit les ex-conjoints. Auriez-vous un conseil à partager qui permettrait de limiter les dégâts ?
Stéphanie Chiappero : Dans nos métiers, nous voyons que la gestion du patrimoine dans les couples n’est pas totalement cohérente avec le régime matrimonial choisi dont les enjeux économiques et financiers associés sont souvent méconnus. Chacun y va de sa propre intuition ce qui peut amener à de futurs litiges si le mariage est dissous. Notre rôle de conseil devient primordial pour exposer les logiques des régimes et orienter vers des stratégies de placement adaptées et plus protectrices.
La loi évolue d’ailleurs en ce sens, puisque depuis juin 2024, elle prévoit entre autres une décharge de solidarité fiscale pour les victimes des ex-conjoints endettés.