24 septembre 2024
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Si le choix d’un régime matrimonial dépend de considérations personnelles, tous ne protègent pas les femmes de la même manière. En effet, avec leurs carrières plus hachées, celles-ci gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes et, à la retraite, l’écart grimpe à 42 %*. Le régime matrimonial peut-il aider à rééquilibrer cette situation ?
« Pour protéger celui qui perçoit de plus faibles revenus dans un couple – le plus souvent la femme – encore faut-il se marier ! C’est le seul statut, contrairement au concubinage et au PACS, qui apporte réellement une protection au partenaire en cas de décès, quel que soit le régime matrimonial » , insiste Etienne Arets, spécialiste patrimonial à la Caisse d’Epargne Côte d’Azur. Evidemment, penser à la mort en préparant ses noces ne tombe pas forcément sous le sens. Pourtant, le manque d’anticipation peut coûter cher au conjoint survivant, surtout s’il a moins de patrimoine que son époux. Or les femmes cumulent une longueur de vie supérieure aux hommes et des niveaux de revenus et de patrimoine moindres. En effet, outre les inégalités de salaire, les femmes sont bien plus nombreuses à avoir recours au temps partiel, 26,7 % contre 7,5 %. Un choix souvent guidé par la maternité, qui accentue les inégalités de revenus au sein du couple aussi bien au cours de la vie active qu’une fois à la retraite.
Heureusement, le régime matrimonial permet de corriger en partie cette équation bancale, en facilitant la transmission du patrimoine au conjoint survivant. A condition, du moins, de choisir le régime matrimonial adéquat parmi les trois principales formes existantes : la communauté universelle, la communauté réduite aux acquêts et la séparation de biens. Dans le premier cas, tout est mis en commun, ce que chacun possédait avant de se marier et tout ce qui sera gagné et acquis ensuite. A l’inverse, avec la séparation de biens, chacun conserve ses biens propres et ce qu’il acquiert au cours de la vie maritale. La communauté réduite aux acquêts, elle, permet à chaque époux de conserver ses biens propres, mais met en commun tout ce qui est acquis après le mariage, les donations et successions demeurant exclues de la communauté.
Dans les faits, le régime de communauté universelle est très rare. Les couples en séparation de biens sont 10 %, contre 89 % en communauté réduite aux acquêts, car celle-ci s’applique automatiquement par défaut au moment du mariage, sauf choix d’un autre régime par acte notarié spécifique. « Ce régime est avantageux pour la femme, car au moment d’une séparation ou d’un décès, il prend en considération toute la valeur créée au cours du mariage, peu importe la provenance des revenus » , explique Etienne Arets. Au moment du décès de son conjoint, la femme conserve donc ses biens propres, et la moitié des biens détenus par la communauté. L’autre moitié et les biens du mari entrent dans la succession dont une partie plus ou moins importante reviendra au conjoint selon les héritiers présents et l’existence ou non de dispositions testamentaires. Avantage notable, des clauses peuvent être ajoutées pour augmenter la part du conjoint survivant1. En séparation de biens, ce qui était possédé par le défunt entre dans la succession et se voit réparti entre les héritiers et le conjoint selon les dispositions légales. Il demeure possible d’accroître les droits du conjoint par des dispositions testamentaires telles que la donation entre époux ou des legs2 , mais dans la limite de la réserve héréditaire en présence d’enfants.
En cas de divorce, le régime matrimonial fixe les règles de division des biens, le régime de la communauté étant plus égalitaire. Attention néanmoins, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial. « En revanche, le régime n’influe pas sur le montant de la prestation compensatoire versée, la femme y aura tout autant droit si le couple était en séparation de biens qu’en communauté » , rassure Etienne Arets. Il n’existe pas de barème officiel pour le calcul de la prestation compensatoire, qui dépend d’un certain nombre de critères, dont le nombre d’années de mariage. D’après le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, en 2020, 96 % des prestations compensatoires ont été versées aux ex-épouses.
Si la communauté réduite aux acquêts est plus égalitaire, alors pourquoi certains couples optent-ils pour la séparation de biens ? « La plupart du temps, pour des considérations liées au régime des dettes et des créances », répond Etienne Arets. Cela permet aux entrepreneurs, qui peuvent voir leurs biens personnels saisis en cas de difficultés de leur entreprise, de mettre à l’abri ceux de leur conjoint. Ce régime est quelquefois adopté pour des raisons plus pratiques de simplicité de gestion lorsque chaque conjoint possède un patrimoine personnel important. Ce choix peut se trouver renforcé lors d’un remariage, si l’un des conjoints veut donner la priorité à ses enfants nés d’une première union.
Il existe également une autre subtilité à connaître. « Avec la communauté réduite aux acquêts, chacun conserve en propre les biens immobiliers acquis avant le mariage. En revanche, les revenus de ces biens sont pour le foyer, et peuvent ainsi profiter au conjoint, même s’il n’a pas de patrimoine immobilier. Il faut savoir que si ces revenus sont utilisés pour faire des travaux dans les biens, hors entretien, lors d’une séparation, on peut demander au conjoint propriétaire de compenser ces dépenses, ce qui peut sembler injuste. »
A noter : il existe également le régime de la participation aux acquêts, pour les conjoints voulant opter pour la séparation de biens, tout en atténuant ses effets sur la succession. Pour résumer, cela revient à vivre en séparation de biens et à mourir en communauté. Durant le mariage, il n’existe aucun bien commun, uniquement des biens propres, voire indivis. Au premier décès ou en cas de séparation, on compare les patrimoines respectifs, chacun ayant droit à la moitié de l’enrichissement de l’autre. Après balance, celui qui s’est le plus enrichi doit alors verser à l’autre une « créance de participation ».
L’avantage est qu’il est possible de changer de régime matrimonial en cours d’existence. Au-delà de considérations romantiques, celui-ci doit être considéré comme un outil patrimonial, dont l’utilité peut évoluer au cours de la vie : pourquoi ne pas protéger un temps un entrepreneur, puis, une fois à la retraite, protéger l’épouse qui aura mis sa carrière de côté pour le soutenir ? Encore faut-il oser aborder le sujet.
*Chiffres de 2021, dans le secteur privé.
Source : Laboratoire de l’égalité.
(1) Des enfants d’une première union peuvent venir diminuer ces avantages matrimoniaux.
(2) A lire sur Vision patrimoine, les articles portant sur le contrat de mariage ou la donation entre époux.
Rédaction achevée au 26/01/2024 sous réserve d’évolutions de l’actualité économique et financière, ainsi que des dispositions fiscales, juridiques et réglementaires.