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Votre question du mois #15 : est-il plus judicieux de faire le partage de ses biens immobiliers avant ou après 60 ?

5 minutes pour faire le point sur la question de la transmission du patrimoine immobilier avec Olivier Brichet, Ingénieur patrimonial à la Caisse d’Epargne Grand Est Europe.

Ingrid Labuzan : La question qui nous occupe aujourd’hui est celle du partage des biens immobiliers et du juste moment pour le faire, pour anticiper leur transmission. Est-il est notamment plus judicieux de faire ce partage avant ou après 60 ans, Olivier ?
Olivier Brichet : Dans votre question, Ingrid, il y a 2 sujets distincts en fait. Il y a un premier sujet qui porte sur la question du partage de son patrimoine de son vivant, entre ses enfants ou ses héritiers. Avec des questions du type « à qui vais-je attribuer tel ou tel bien ? ». Et il y a un second sujet qui est lié cette fois à l’âge que l’on a au moment où l’on décide de mettre en place le partage de son patrimoine immobilier : « est-ce qu’il y a un âge limite, un âge clé pour donner son patrimoine ? ».

Ingrid Labuzan : En effet, ces deux notions sont différentes. Quels sont les paramètres importants à prendre en compte pour réaliser un partage ?
Olivier Brichet : Déjà il faut avoir envie de partager en ayant conscience des implications. Transmettre des biens au travers d’une donation, c’est accepter de ne plus décider seul du sort des biens concernés. C’est important de garder à l’esprit que les besoins de vie peuvent changer. On doit parfois maintenir son train de vie avec des revenus qui diminuent ou bien payer une maison de retraite… et les décisions ne se prendront plus seul sur les biens donnés.
Ensuite, il faut avoir constitué dans son patrimoine de quoi partager. Ça peut être plusieurs immeubles ou des parts de société détenant de l’immobilier.

Ingrid Labuzan : Est-ce vraiment utile de détenir ses biens immobiliers dans une société ?
Olivier Brichet : Ça peut l’être notamment lorsqu’on envisage de donner un seul immeuble à plusieurs bénéficiaires. Par exemple, si j’ai trois enfants à qui j’attribue à parts égales la nue-propriété d’une maison en bord de mer, la loi ne considère pas dans ce cas qu’un partage est effectué. Dans cette situation, chaque attributaire – chaque enfant dans notre exemple – détient en indivision un droit de nue-propriété, mais aucun partage n’est opéré. Le partage, c’est attribuer des droits privatifs à chacun, pas des droits indivis.

Ingrid Labuzan : Et une fois que l’on a défini ce qu’on allait donner et à qui, comment fait-on ?
Olivier Brichet : On va réaliser une donation, en allant voir son notaire.
– On peut utiliser par exemple la donation simple : c’est la solution juridique la plus facile à mettre en place. L’inconvénient est qu’au moment du décès des donateurs, lorsque le notaire vérifie si la part obligatoire de chacun des héritiers a bien été respectée, les biens transmis sont réévalués. Si l’un des héritiers a reçu un lot qui s’est valorisé par rapport à celui qu’ont reçu les autres héritiers, il devra partager avec eux cet enrichissement.
– Il y a aussi la donation-partage : l’acte de donation prévoit dans un acte unique la donation et la répartition des biens entre les héritiers, en clair un partage anticipé de son patrimoine pour la succession future. C’est avec la donation-partage que la valeur des biens va pouvoir être figée au jour de la donation, ce qui évite les litiges lors du décès, sous réserve de respecter certaines conditions, notamment que chaque enfant reçoive un lot et l’accepte. Cette solution est privilégiée dès lors qu’il y a plusieurs enfants, car elle est moins imprévisible.

Ingrid Labuzan : Et quand on parle de société, ça se passe comment ?
Olivier Brichet : On peut aussi donner des de SCI : l’immeuble appartient à la société, et ce sont les parts de société qui sont transmises aux enfants. Les parts sont souvent plus faciles à partager qu’une maison, donc cela convient bien aux ménages possédant un patrimoine conséquent, ou un seul bien dans la société à répartir entre plusieurs bénéficiaires.

Ingrid Labuzan : Ces donations font-elles l’objet d’avantages fiscaux ?
Olivier Brichet : Ces donations sont toutes éligibles aux mêmes avantages fiscaux : Chaque enfant profite d’un abattement de 100 000 euros par parent, renouvelable tous les 15 ans. Les donations effectuées envers les petits-enfants bénéficient d’un abattement de 31 865 €, et celles consenties aux arrière-petits-enfants de 5 310 €.

Ingrid Labuzan : Maintenant que l’on a bien vu la question du partage, qu’en est-il de l’âge ? Faut-il faire ce partage avant ou après 60 ans ?
Olivier Brichet : La question de l’âge intervient lorsque la donation est faite en démembrement de propriété : le donateur transmet son bien immobilier en conservant l’usufruit de son bien et en transmettant la nue-propriété à son ou ses donataires. Les droits de donation ne sont calculés que sur la valeur de la nue-propriété. Ce montant suit un barème des impôts qui tient compte de l’âge de l’usufruitier. Plus le parent usufruitier est jeune, plus la valeur de la nue-propriété est faible et donc les droits de succession aussi. Avant 61 ans, elle est de 50 % et après 61 ans elle est de 60 %. Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire profite alors de la pleine propriété du logement sans avoir de droits supplémentaires à payer.

Ingrid Labuzan : En conclusion, Olivier, donner à plusieurs bénéficiaires permet d’anticiper le coût de la succession, mais on doit rester prudent ?
Olivier Brichet : Idéalement, oui. S’il est louable de chercher à transmettre tôt pour éviter de trop lourdes charges à vos héritiers, il faut veiller à bien évaluer votre patrimoine et à ne pas vous démunir.

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