8 novembre 2018
Le magazine en ligne de la Gestion Privée Caisse d’Epargne pour vous guider dans vos projets patrimoniaux.
Des transports à l’hébergement, en passant par le tourisme, la finance ou encore les services à la personne, la sharing economy semble avoir conquis le monde, bousculant profondément le couple propriété / usage. Un nouveau paradigme qui n’est pas sans conséquences sur l’immobilier : mais jusqu’à quel point ? Enquête sur les nouveaux enjeux de l’immobilier patrimonial, à l’heure de l’économie du partage.
Avec 570 milliards de chiffre d’affaires en 2025 selon les prévisions de PwC1, soit une multiplication par 20 en 10 ans, le marché de l’économie collaborative est en plein boom. Loin d’être un phénomène de mode, la consommation collaborative était pratiquée par 89 % des Français en 20142.
Dominique Remy, alors Directrice générale déléguée BPCE Vie & Prévoyance – Domaine Offre et Relations Clients / réseaux, Natixis Assurances, confirme : “Ce n’est plus la propriété qui fait loi, mais l’usage. Nous ne pouvons donc pas, par exemple, continuer à assurer les véhicules sans assurer la mobilité.”
Alors que l’on n’a plus besoin de posséder une villa pour se rendre régulièrement en vacances sur la côte, ou une voiture pour se déplacer, Airbnb, BlaBlaCar et consorts annoncent-ils pour autant la fin de la propriété ? La question mérite d’être posée, car malgré le succès des plateformes de la sharing economy (18 millions de voyageurs par trimestre sur BlaBlaCar3, 3 millions de logements recensés sur Airbnb4…), leur modèle même repose justement sur… la propriété !
En effet, le partage de biens entre particuliers demande que l’un d’eux en soit propriétaire ; par ailleurs, le “partage” n’a de partage que le nom car il s’agit en réalité d’une mise à disposition d’un bien moyennant rémunération. Finalement, on aurait plus affaire à une “économie d’optimisation d’actifs” qu’à une économie du “partage” à proprement parler.
Autre élément à prendre en compte : là où l’économie collaborative assure un accès à une offre (quasi-) infinie – pourquoi s’encombrer d’une résidence secondaire quand, selon la promesse d’Airbnb, le monde peut devenir votre maison ? – la propriété revêt pourtant une dimension libératrice, en garantissant un usage illimité dans le temps (je ne dépends d’aucun logeur) et protectrice (je m’assure l’usage pérenne d’une ressource essentielle à mon existence).
Les jeunes générations n’ont jamais été si peu propriétaires. Est-ce pour autant un signe de désaffection des Millenials à l’égard de la propriété ? Épicuriennes, les générations Y et Z seraient devenues allergiques à toute forme d’engagement, préférant profiter de l’instant présent plutôt que d’épargner en pensant à l’avenir.
Et pourtant, comme le souligne Nicolas Pécourt, Directeur de la Communication et RSE au Crédit Foncier, les jeunes générations restent tout autant attachées à l’immobilier que leurs aînés : dès qu’ils en ont les moyens, les trentenaires cherchent à devenir propriétaires de leur logement principal.
La raison de l’élévation de l’âge moyen d’accession à la propriété serait donc plutôt à chercher du côté de la montée effrénée des prix de l’immobilier (en Angleterre par exemple, les prix moyens de l’immobilier représentent 7,9 fois les revenus des néo-accédants). De quoi relativiser l’argument générationnel dans le faible taux de propriétaires de moins 30 ans !
(1) Selon une étude de PwC en 2016.
(2) DGE, PICOM (Nomadéis, TNS Sofres) « Consommation collaborative : perceptions, motivations et pratiques des Français », novembre 2014.
(3) https://www.blablacar.fr/about-us/qui-sommes-nous
(4) https://www.usine-digitale.fr/article/le-succes-insolent-d-airbnb-en-5-chiffres-cles.N512814