8 juillet 2019
Le magazine en ligne de la Gestion Privée Caisse d’Epargne pour vous guider dans vos projets patrimoniaux.
Les défis représentés par le réchauffement climatique et l’explosion démographique laissent-ils encore la place à une activité économique qui ne soit pas durable et responsable ? Contrainte de prendre en compte ce nouveau paradigme pour faire face au monde qui vient, l’entreprise se réinvente. Approches lucratives et recherche constante de performances extra-financières font peu à peu place à des responsabilités sociales, sociétales et environnementales.
Longtemps confinée à des sujets techniques de reporting et d’indicateurs de développement durable, la responsabilité sociétale des entreprises est devenue peu à peu une problématique centrale au sein des entreprises, à tel point que des grands groupes comme Danone, Suez, Veolia ou Schneider la placent aujourd’hui au cœur de leur modèle de création de valeur. Le 23 octobre 2017, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, affirmait quant à lui qu’il souhaitait faire de l’économie sociale et solidaire (ESS) « la norme et non plus l’exception ». Dans un monde fragilisé par le changement climatique, mais aussi de plus en plus interconnecté, l’engagement social et environnemental cesse d’être un frein pour l’activité économique, et devient, bien au contraire, vecteur de croissance et d’opportunités. Parce qu’un tel engagement prouve la longueur de vue d’une stratégie d’entreprise – rassurant pour les actionnaires et les investisseurs – mais aussi parce que les gisements de valeur sont réels : green tech, éco-conception, upcycling…
Au sein du groupe BPCE, les exemples abondent : le fonds d’investissement Mirova, par exemple, n’investit que dans des entreprises qui créent de l’emploi en France. Pourquoi ? non seulement par responsabilité sociale – pour soutenir l’emploi en France – mais aussi par « calcul » : une entreprise qui emploie est en bonne santé économique, il est donc judicieux d’y investir. Didier Orens, Directeur Gestion Privée – Direction du Développement Caisse d’Epargne chez BPCE, confirme : « Si la Caisse d’Epargne propose aujourd’hui des fonds d’investissement sur l’eau, par exemple, ce n’est pas uniquement par souci environnemental : c’est parce que l’eau est un bien rare, dont la gestion précautionneuse est intelligente y compris d’un point de vue patrimonial. Cela doit devenir raisonnable, pour un investisseur, d’accompagner la transition écologique ! »
Depuis plusieurs années, les acteurs économiques et réglementaires s’organisent pour faire évoluer l’entreprise, et l’adapter à ce nouveau paradigme sociétal et environnemental. En France, depuis 2017, les entreprises dépassant les 500 salariés sont ainsi soumises à une obligation de déclarer leur performance extra-financière, afin de permettre à leurs actionnaires de prendre leurs décisions en fonction de l’impact social et environnemental des activités de l’entreprise – celles qui ont un impact négatif étant dès lors susceptibles de connaître une perte massive de valeur. L’étape d’après ? Intégrer ces « externalités », qu’elles soient positives ou négatives, au bilan de l’entreprise, et repenser le modèle de valeur de chaque activité en fonction de son impact environnemental ou social. Cette approche prend aujourd’hui des formes diverses, annonciatrices des nouveaux modèles juridiques que pourraient adopter les entreprises de demain :
• Les entreprises à mission sont des entreprises d’un genre nouveau, qui n’appartiennent pas au secteur de l’ESS, mais s’engagent dans leur document fondateur à se fixer un but non seulement lucratif, mais aussi social et environnemental, au service de l’intérêt collectif, et à prendre en compte les parties prenantes autres que les actionnaires : salariés, communautés locales, écosystèmes naturels, etc. Ce statut est actuellement reconnu juridiquement aux Etats-Unis, mais pas encore en France, où il fait cependant l’objet de discussions dans le cadre de la loi Pacte.
• Les SOSE (Société à objet social étendu) : c’est l’une des formes étudiées pour l’entreprise à mission en France. Celles-ci pourraient choisir librement leur mission – qu’elle réponde ou non à des besoins sociaux et environnementaux – mais devraient l’élaborer avec un comité de parties prenantes. C’est le modèle adopté par La Camif.
• Les fondations actionnaires : dans ce modèle innovant, c’est la fondation (à but non lucratif) qui est propriétaire de l’entreprise (commerciale ou industrielle), et c’est donc elle « qui oriente directement ou indirectement sa stratégie, et finance, grâce aux dividendes qu’elle perçoit, des causes d’intérêt général », explique le cabinet de conseil en stratégie Prophil. En France, c’est le modèle des Laboratoires Pierre Fabre, mais on trouve surtout des exemples en Allemagne, en Suède ou au Danemark : Ikea, Rolex, Carlsberg ou Bosch en font partie – ou encore Tata en Inde.
• L’agrément ESUS (Entreprise solidaire à utilité sociale) identifie les structures à forte utilité sociale répondant à des besoins spécifiques, et les accompagne dans leur démarche de soutien et de financement. Les entreprises d’insertion et les établissements d’aide par le travail sont tous agréés ESUS, mais d’autres types d’entreprises sont éligibles : on en compte près de 1 000 aujourd’hui en France.
• Le label B-Corp : créé aux Etats-Unis en 2010, il fait de plus en plus d’émules en France en certifiant les entreprises répondant à un certain nombre de critères sociaux et environnementaux, en fonction de leur taille, leur activité et leur implantation géographique. En France, une quarantaine d’entreprises ont été labellisées, dont Nature & Découvertes ou Les 2 Vaches, tandis qu’à l’échelle mondiale, ce chiffre monte à plus de 2 000.
Rédaction achevée en 2018 dans le cadre du magazine hors-série sur le futur du patrimoine réalisé avec Usbek & Rica.