8 mars 2021
Le magazine en ligne de la Gestion Privée Caisse d’Epargne pour vous guider dans vos projets patrimoniaux.
En 2017, l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, affirmait qu’il souhaitait voir l’économie sociale et solidaire (ESS) devenir la « norme économique » et non plus l’exception. Un souhait qui reflète une réalité grandissante : de plus en plus, on attend des entreprises qu’elles contribuent à notre patrimoine commun, et l’on en fait de véritables objets d’intérêt collectif.
L’évolution de la place de la RSE ces dernières années est un signe sûr de ce changement. D’abord prise en charge par des directions spécifiques, la responsabilité sociétale des entreprises est devenue une question transversale. Et de volontaire, elle s’est transformée en passage obligé pour les entreprises. Depuis 2001, les entreprises françaises doivent fournir un reporting RSE. En juillet 2017, une ordonnance a remplacé ce rapport par la « déclaration de performance extra-financière », dans laquelle les entreprises doivent détailler leur modèle d’affaires, les principaux risques sur de grandes thématiques non financières (social, environnement, droits de l’homme et lutte contre la corruption), les politiques mises en œuvre pour y répondre et les résultats de ces politiques.
Ces informations sont importantes pour les actionnaires, qui considèrent de plus en plus d’éléments extrafinanciers pour informer leurs décisions d’investissement. Les biens ou activités à contribution négative risquent désormais de faire face à une perte massive de valeur. Comme l’explique le journal Novethic en 2016, les investisseurs veillent par exemple au respect des droits humains en utilisant des leviers comme l’engagement actionnarial, qui consiste à dialoguer directement avec les dirigeants de l’entreprise et à pousser des résolutions aux assemblées générales pour les contraindre à agir. L’étape d’après, c’est d’élargir le périmètre de responsabilité des entreprises, c’est-à-dire de prendre en compte les externalités sociales et environnementales des biens. Ces externalités pourraient justement cesser d’être extérieures, pour devenir de véritables éléments de bilan pour l’entreprise, voire de mission.
Car, de plus en plus, les entreprises choisissent d’inscrire leurs impacts sociétaux au cœur de leur raison d’être. Aux États-Unis, les benefit corporations (entreprises à missions) sont des entreprises d’un genre nouveau : elles n’appartiennent pas au champ de l’économie sociale et solidaire ou du social business, mais elles s’engagent dans leurs documents fondateurs à prendre en compte les parties prenantes au-delà de leurs actionnaires : l’environnement, les salariés, les communautés locales, etc. Par ailleurs, le label B Corp, décerné par l’ONG B Lab, certifie les entreprises qui remplissent un certain nombre de critères sociétaux. Selon le magazine américain Fast Company, il existe aujourd’hui quatre mille benefit corporations et deux mille B Corp. En France, les « entreprises à missions » se dotent, en plus d’un but lucratif, d’une finalité sociale ou environnementale. Elles peuvent d’ailleurs se doter, depuis la loi PACTE, d’un statut officiel : celui de société à mission. Ce statut permet aux entreprises qui le souhaitent, sous réserve de respecter certains critères, de poursuivre un objectif d’intérêt collectif (sociétal ou environnemental), au-delà de l’objectif lucratif.
Enfin, dans leur souci de contribuer au bien commun, les entreprises adoptent de plus en plus des régimes de création de valeur ouverts. Inspirées par des pratiques comme l’open source qui consiste à partager des données, elles mettent ainsi à disposition leurs actifs avec une communauté de parties prenantes extérieures (sous-traitants, consommateurs, start-up du secteur), dans une logique gagnant-gagnant. Cette tendance d’innovation ouverte consacre la notion de partie prenante de manière plus profonde et intégrée que jamais ; elle rend tangible le fait que nous sommes tous concernés par la manière dont une entreprise mène ses activités.
Assez logiquement, cette vision de l’entreprise comme objet d’intérêt collectif élargit ce que l’on considère comme relevant de son patrimoine. Ce dernier repose toujours sur des éléments financiers, bien sûr, mais il en inclut aussi d’autres qui ne sont pas forcément monétisables, comme la préservation des ressources naturelles, l’augmentation du bien-être social, la richesse des interactions entre les individus, la créativité, etc. Plus encore que sa — qui est une condition nécessaire mais pas suffisante — c’est la contribution de l’entreprise à la société qui fonde sa valeur.
Rédaction achevée en 2018 dans le cadre du magazine hors-série sur le futur du patrimoine réalisé avec Usbek & Rica.