12 septembre 2024
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Immobilier neuf ou ancien, marché locatif, ... Tour d'horizon du marché à l'issue de ce premier semestre 2020.
Après un ralentissement observé en 2018, l’économie mondiale a subi un coup de frein à la croissance du PIB en 2019, provoqué notamment par les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
Dès janvier 2020, la Chine informait de l’apparition d’un virus mortel pour l’homme dans la province du Hubei, suscitant progressivement l’inquiétude au plan mondial, puis la prise de conscience que le danger s’étendait à tous les pays partenaires du géant industriel et bien au-delà. En France, les premiers cas sont apparus le 24 janvier et, en moins de deux mois, le pays est passé de la sidération au confinement. Il apparaît qu’une récession économique mondiale s’installe. Pour faire face aux chocs sanitaire, économique et psychologique qui menacent de précéder l’apparition de grands déséquilibres socio-économiques, des plans de soutien financier exceptionnels sont mis en place, dans l’urgence.
Cette crise survient alors qu’en France, les taux d’intérêt à très bas niveau et les mesures de soutien du pouvoir d’achat des ménages mises en place par le gouvernement en 2019 ont permis au moral des ménages de rester bien orienté et ont soutenu le marché du logement. En fin d’année, respectant les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), les banques ont commencé à ajuster leurs conditions d’octroi de crédit à l’habitat, ce qui a mécaniquement pesé sur la primo-accession et l’investissement locatif dont le profil de risque est plus tendu. L’an dernier, le marché de l’ancien est ainsi resté particulièrement dynamique, les hausses de prix ne décourageant pas la demande, dont la pression a stimulé l’activité pour atteindre un nombre historiquement élevé de transactions immobilières. Le marché du neuf a poursuivi sa décélération après trois ans de forte croissance. Les coups de frein aux projets occasionnés par les élections municipales de 2020 et la difficulté à mobiliser du foncier se sont ajoutés aux délais de production longs inhérents au secteur qui, avant la crise du Covid-19, envisageait déjà un retour difficile à la croissance.
L’année 2020 devrait marquer un retournement du marché résidentiel après l’arrêt de jeu très brutal de l’activité provoqué par le confinement. Les perspectives s’assombrissent dans le neuf avec la paralysie d’une majorité de chantiers. Les volumes de ventes de logements neufs mais aussi anciens pourraient subir un repli de la demande avec des ménages plus enclins à l’attentisme. Le marché locatif pourrait, lui, être frappé plus rapidement par la survenance de la récession économique qui confrontera des locataires à des difficultés pour honorer leur loyer, risquant de facto d’atteindre les petits investisseurs privés. Dans un second temps, la contraction de l’activité immobilière pourrait entraîner une baisse des prix. Les répercussions seront d’ampleur variable selon les fondamentaux des différents marchés, hétérogènes, et dont les contrastes risquent encore de se renforcer avec une prime à la qualité des logements qui se renforcerait.
Activité du marché résidentiel dans l’ancien
Depuis 2016, portée par le dynamisme des crédits à l’habitat, la conjoncture est restée favorable au marché du logement ancien. L’activité a atteint des records successifs, dépassant même le million de ventes de logements en 2019.
Après une année de stabilisation en 2018, le rythme de croissance de l’activité s’est accéléré l’an dernier à + 10,4 % selon les évaluations du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).
La valeur d’usage du logement comme lieu de résidence principale ou secondaire et l’achat motivé par la constitution d’un patrimoine ont été les principaux déterminants pour les ménages qui ont alimenté la demande. Par ailleurs, les taux de crédit à l’habitat très bas et les conditions d’octroi des banques particulièrement favorables ont rendu l’achat immobilier accessible, révélé aussi comme une alternative aux placements sans risque devenus très faiblement rémunérateurs, ainsi qu’aux placements boursiers inspirant toujours de la méfiance. Les ménages désireux de réaliser un investissement locatif, motivés pour certains par la préparation à la retraite ou encore par le dispositif de défiscalisation dit « Denormandie », ont retrouvé de l’intérêt pour ce type de placement locatif plus abordable dans l’ancien.
L’activité immobilière a profité d’un ensemble de facteurs favorables en 2019 : effet de levier du crédit immobilier (indispensable dans une majorité d’opérations immobilières), gains de pouvoir d’achat liés aux mesures du Gouvernement, moral des ménages soutenus par la baisse du chômage et l’amélioration de leur situation financière.
En Ile-de-France, l’activité a culminé à 176 580 ventes de logements anciens en 2019 avec une tendance à décélérer en fin d’année, à un niveau resté cependant supérieur de 4 % à celui de 2018.
Sous la pression de la demande, la tension du marché s’est accrue en 2019, en raison d’un assèchement de l’offre dans les secteurs les plus recherchés de la région. A Paris, l’activité s’est contractée de 3 % par rapport à 2018, avec environ 35 000 ventes. En Petite Couronne, l’activité a progressé modérément de 2 % aussi bien sur le marché des appartements anciens que sur celui des maisons. Toujours dynamisés par le report d’une partie de la demande francilienne des secteurs centraux vers la périphérie de la région, c’est en Grande Couronne que les marchés ont le plus progressé en un an : + 13 % de ventes d’appartements et + 6 % pour les maisons. Une offre plus abondante et surtout des prix plus abordables représentent les principaux atouts pour ces zones. Selon les indicateurs avancés par les Notaires du Grand Paris, les premières semaines de 2020 s’inscrivaient dans cette ligne, avec une progression des ventes totales de logements de 5 % (à fin janvier, sur un an glissant).
En 2019 et tout début 2020, les marchés de province ont aussi profité du contexte très favorable au logement. Toutefois, sur l’ensemble du territoire, l’observatoire Les Prix Immobiliers (LPI) souligne que la demande a commencé à fléchir dès fin 2019, avant même la survenance de la crise du Covid-19, en lien avec les incertitudes liées à la réforme des retraites et le durcissement des conditions d’octroi des crédits voulu par la Banque de France.
L’apparition brutale de la crise sanitaire début 2020 va bouleverser l’environnement et avoir des impacts négatifs sur l’activité dans l’ancien. S’ils sont encore difficilement quantifiables, car dépendants de l’ampleur et de la durée de l’épidémie, l’arrêt quasi total d’activité durant huit semaines (suivi d’un retour graduel à la normale) pendant une période habituellement favorable au marché se traduira par une baisse du volume des ventes annuelles. Les conditions de sortie du confinement sont, elles aussi, incertaines, laissant augurer une reprise difficile d’activité immobilière, à l’approche des mois d’été. Plus durablement, le marché du logement, même s’il est réputé plus résilient que d’autres marchés immobiliers face aux crises financières et économiques, pourra difficilement échapper à des dommages collatéraux. Le moral des ménages devrait être atteint négativement face à la montée des craintes vis-à-vis de l’avenir. Au-delà de la peur née d’une pandémie et de ses répliques possibles, leur pessimisme pourrait croître avec la montée des menaces pesant sur le marché de l’emploi et de l’évolution de leur situation financière. Cela pourrait conduire les ménages à un repli sur soi, voire à une politique d’abstention de la dépense et de l’investissement dans l’attente d’une meilleure visibilité. Dans cette hypothèse, après un coup de frein technique à l’activité en 2020, rien n’exclut de revenir ensuite à un étiage d’activité bien plus bas que la moyenne des volumes des cinq dernières années.
Évolution des prix des logements anciens
La pression de la demande a accéléré la hausse des prix moyens en 2019. L’offre s’est resserrée progressivement dans les secteurs recherchés alors que la demande est restée stimulée par les conditions de crédit sur une grande partie de l’année 2019. En hausse régulière depuis 2015, les prix ont encore progressé fortement en Ile-de-France. Au dernier trimestre 2019, le prix moyen des appartements à Paris a atteint 10 210 € du m² (+ 6,6 % en variation annuelle), 4 940 € en Petite Couronne (+ 5,3 %) et 3 080 € le m² en Grande Couronne (+ 3,2 %), représentant en moyenne pour l’Ile-de-France une hausse de 5,6 %. Le prix moyen des maisons individuelles a quant à lui été presque stable (+ 0,4 %).
A Paris, la hausse du prix moyen des appartements est intervenue sur la base d’un volume de ventes élevé en 2019 mais en contraction de 3 % par rapport à 2018. Entre 2011 et 2015, les prix moyens des appartements anciens y ont oscillé tendanciellement à la baisse entre 8 000 € et 8 500 € du m². A partir de 2016, la tendance s’est inversée, pour un rythme de hausse des prix progressivement intensifié.
En janvier 2020, la tendance s’inscrivait dans cette continuité, l’indice Notaires-INSEE des appartements anciens s’établissait à 10 300 € le m², en hausse de 7 % en un an. La pression de la demande a concerné toute la région francilienne qui a vu une généralisation de l’accélération de la hausse des prix de vente des appartements : + 5,3 % en Petite Couronne et + 3,2 % en Grande Couronne. En janvier 2020, avant l’émergence de la crise sanitaire, les prix des logements anciens ont continué d’augmenter en Ile-de-France (+ 4,1 %). Mais globalement, en France, les territoires restent très hétérogènes, même si le contexte favorable au marché de l’ancien en 2019 a profité, jusqu’à ces derniers mois, à la majorité des zones : + 3,6 % en province au 4e trimestre.
Signe du dynamisme du marché de l’ancien, un abaissement des délais moyens de vente ainsi que des marges de négociation faibles à très faibles en zones tendues avaient pu être relevés en 2019. Les prix moyens ont progressé dans une large majorité des grandes villes (+ 100 000 habitants) selon l’observatoire Les Prix Immobiliers. Le marché des appartements de trois pièces (récents, anciens), qui correspond à l’une des typologies les plus recherchées de logements dans les zones urbaines, a globalement été plus actif au cours des douze derniers mois glissants comparé à la période précédente. Les prix moyens à fin janvier ont progressé partout, à quelques exceptions près, y compris dans les villes où les niveaux de prix sont les plus élevés (supérieurs à 3 000 € du m² en moyenne), sauf à Lille. Dans près d’un tiers des villes observées, les prix moyens sont inférieurs à 2 000 € le m² mais les marchés immobiliers y apparaissent très hétérogènes en termes d’activité et d’évolution des prix moyens qui ont pu augmenter fortement sur un an glissant (Perpignan, Brest, Le Havre) dans un contexte d’accès au financement très favorable pour des marchés abordables. Dans les villes où l’activité immobilière est structurellement plus modérée (Le Havre, Mulhouse, Le Mans, Brest, Limoges, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Nîmes, Perpignan), les observations reposent sur un nombre de références peu élevé et les tendances calculées entre deux périodes peuvent refléter imparfaitement la réalité de marchés moins profonds. Dans des villes au marché résidentiel plus profond et dynamique (Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Nice, Marseille, etc.), les prix moyens des appartements de trois pièces ont progressé sous la pression de la demande mais dans des amplitudes différenciées.
De façon générale, niveau de prix et hausse moyenne semblent corrélés. Les anticipations favorables aux zones déjà attractives ont renforcé ces marchés et creusé le fossé qui les sépare des villes moins demandées. En mars 2020, la mise à l’arrêt brutale du marché pour une durée incertaine aura des effets sur les prix immobiliers dans une ampleur qui dépendra de plusieurs facteurs et selon un rythme différencié selon les zones territoriales :
• Dans les semaines/mois suivant le confinement et une reprise progressive des activités économiques en France, les prix devraient stagner ou évoluer peu.
• Dans un second temps, au redémarrage de l’activité immobilière, les prix pourraient subir quelques décotes en fonction des caractéristiques propres à chaque marché, la demande pouvant redevenir plus sélective.
• Le bilan économique de cette crise sanitaire et les dommages qu’elle provoquera seront d’intensité variable selon les territoires et leur résilience en matière de logement.
Production : une tendance baissière difficile à inverser
Après un pic en 2017, la production de logements s’est repliée progressivement puis plus nettement en 2019.
A fin janvier 2020, 409 200 logements ont été mis en chantier (en cumul annuel) contre 429 600 au plus fort en 2017, tandis que les permis de construire délivrés ont porté sur 451 500 logements, nombre inférieur de 1,6 % à celui de fin janvier 2018.
Les mises en chantier restent supérieures de 5,8 % à leur moyenne décennale et dépassent de 24 % le point bas atteint en mai 2015, alors que le volume des autorisations peine à retrouver le niveau de sa moyenne décennale (- 0,17 %) tout en restant 21 % supérieur au point bas de mars 2015. A fin janvier, la baisse de la production de logement tendait à s’atténuer. Dans le collectif, les mises en chantier de logements ont moins diminué ( 1,8 %) que les autorisations (- 6,7 %). Quant à la production de logements individuels (secteur diffus et secteur groupé) mesurée sur douze mois glissants, elle commençait à se stabiliser avec + 0,4 % de mises en chantier, principalement dans le secteur groupé (+ 1,9 %) alors que, dans le secteur diffus, elles baissaient de 1,2 %. Les autorisations ont légèrement progressé (+ 1,9 %) portées par le secteur diffus (+ 5,6 %) alors qu’en secteur groupé elles ont baissé de 1 %. Les menaces de fin d’éligibilité du Prêt à Taux Zéro en zone détendue (B2 et C) jusqu’au vote de la loi de Finances pour 2020 ont stimulé les ventes de maisons individuelles en secteur diffus ces derniers mois, sans doute par l’anticipation d’une demande préexistante plus que par accroissement de celle-ci. La tendance récessive de la production entamée en 2018 aurait pu s’infléchir une fois l’échéance des élections municipales franchie en 2020.
Mais le début du confinement décidé par le Gouvernement le 17 mars a stoppé net le secteur de la construction, soulevant de nombreux problèmes compte tenu de son poids dans l’activité économique : effets en cascade pour tous les maillons de la chaîne de production, glissement des calendriers des chantiers en cours puis de ceux qui étaient à lancer, approvisionnement problématique des chantiers en matériaux.
La reprise des chantiers dans des conditions de sécurité sanitaire satisfaisantes est engagée depuis la parution d’un guide des règles et procédures sanitaires validé le 3 avril par le Gouvernement, même si elle soulève encore des tensions dans le secteur. Elle a démarré progressivement et en priorité dans les secteurs stratégiques.
A fin avril, l’activité tournait encore au ralenti : seuls 17,5 % des chantiers de BTP étaient estimés ouverts au 25 avril (source BTP Consultants), en hausse de 38 % sur une semaine. La FPI estime que 30 % des chantiers de construction de logements avaient repris, soulignant que les situations étaient très contrastées selon l’avancement des opérations.
En 2020, la production de logements connaîtra un trou d’air dont les impacts pourront commencer à être quantifiés au terme de la période du confinement, mais au rythme actuel des mises en chantier, deux mois d’arrêt représenterait environ 68 000 logements qui ne seraient pas commencés. Dès lors, compte tenu de la mise en œuvre des mesures de respect des règles sanitaires limitant notamment le nombre d’intervenants sur un chantier, le rattrapage de l’activité perdue est peu probable sur 2020. La reprise progressive et les nouvelles conditions d’activité auront des conséquences multiples : l’avancement plus lent des chantiers, retards de livraison, surcoûts directs et indirects liés à l’épidémie, résistances locales possibles sur la reprise ou le lancement des chantiers.
Marché de la promotion immobilière
En 2019, le nombre de réservations est resté stable par rapport à 2018, avec 129 547 logements. En revanche, le nombre de mises en vente (110 235 logements) a décliné fortement (- 13,3 %). L’année s’est terminée sur un constat de déséquilibres croissants entre offre et demande sur le marché de la promotion immobilière, que la perspective des élections municipales avait eu tendance à accentuer. La tension du marché se reflète notamment par un écart entre mises en vente et réservations, qui s’est creusé au 4e trimestre 2019. Même si les ventes du 4e trimestre sont en légère baisse (- 1,0 %) par rapport à 2018, elles sont supérieures de 21,8 % à la moyenne des dix dernières années. Par contre, les mises en vente (26 715 logements) reculent de 5,4 % comparées à celles de la même période de 2018. Sur un an, elles sont en retrait de 13 % en 2019. Aussi, avec ce rythme soutenu des ventes enregistrées sur la période, l’encours de logements proposés à la vente ne représentait plus que neuf mois de commercialisation en fin d’année.
A la hausse des coûts de travaux évoqués supra s’ajoute un prix du foncier élevé dont la raréfaction s’est exacerbée à l’approche des élections municipales qui rendent traditionnellement les élus peu enclins à délivrer des permis de construire en période pré-électorale. Ces différents facteurs expliquent pour partie la baisse des mises en vente et la tendance à la hausse des prix.
Les prix moyens des appartements neufs, sur longue période, connaissent une ascension très régulière, au rythme de 2,7 % en moyenne annuelle sur une décennie. Ceux des maisons en secteur groupé augmentent de 1,5 % en moyenne annuelle sur la période, mais avec une plus forte volatilité. Au 4e trimestre 2019, les prix moyens des appartements et des maisons en secteur groupé étaient respectivement supérieurs de 26,5 % et de 14,6 % à ceux observés il y a dix ans.
Le prix moyen des appartements qui s’élève à 4 304 euros le m² a augmenté de 4,6 % sur un an glissant, et celui des maisons en secteur groupé (283 830 euros) de 5,1 %.
La tendance générale intègre, mais en la reflétant mal, une transformation de la structure du marché du neuf sous l’influence de la politique du logement menée par les gouvernements successifs. Les orientations données au travers des dispositifs d’incitation à la construction de logements, destinés à la location ou à l’accession, s’appuient sur un découpage territorial en grandes zones.
Les volumes de logements construits se répartissent entre les différentes zones plus ou moins tendues et sont commercialisés à des niveaux de prix très hétérogènes. Les incitations par grandes zones ont varié dans le temps et ont conduit à une adaptation géographique de la production.
L’effet volumes/prix s’est répercuté sur le calcul des prix moyens et sur leurs variations. Au dernier trimestre 2019, en zones A et Abis (Paris, une grande partie de l’Ile-de-France, la Côte d’Azur et la zone frontalière suisse), les réservations des appartements (14 964 logements) ont représenté 46 % du total des réservations de logements collectifs, et figurent en retrait de 2,6 % par rapport au 4e trimestre 2018.
En Ile-de-France, la forte appétence pour les programmes immobiliers localisés à proximité des hubs actuels ou à venir du Grand Paris a provoqué une pression des ménages désireux d’acquérir leur résidence principale mais aussi d’investisseurs. Le nombre d’habitants autour des futures gares du Grand Paris Express (GPE) augmente plus rapidement que dans le reste de la Métropole du Grand Paris. Soixante-huit quartiers ont bénéficié d’une forte dynamique de construction, lesquels ont vu leur population progresser de 3 % entre 2010 et 2015 contre + 1 % pour l’ensemble de la métropole, l’augmentation étant la plus forte autour des gares du GPE (étude APUR).
La tension en zones A et Abis se mesure notamment par une contraction de l’offre de 14,8 % à la fin du 4e trimestre 2019, alors que les prix de vente moyens au m² des appartements atteignaient respectivement dans ces deux zones 4 335 € (+ 3 % sur un an glissant et une moyenne annuelle de + 1,7 % sur dix ans) et 6 609 € (+ 7,3 % sur un an glissant, et une moyenne annuelle de 1,6 % sur dix ans).
En zone B1 (autres grandes agglomérations de plus de 250 000 habitants), l’offre a eu tendance à diminuer également mais plus faiblement (- 2,8 %) par rapport au 4e trimestre 2018, et le prix moyen du collectif à augmenter de 3,2 % sur un an glissant pour atteindre 3 753 € le m². Dans ces agglomérations, les prix ont progressé en moyenne de 1,9 % par an depuis dix ans. Les réservations d’appartements y représentent désormais 43 % du total des ventes d’appartements toutes zones confondues.
La part des réservations d’appartements réalisées dans les zones les moins tendues, B2 et C, est passée de 21 % en 2009 à 11 % au 4e trimestre 2019. L’effet pondéreux de niveaux de prix moins élevés est ainsi mécaniquement moins important.
En zones B2 (communes > 50 000 habitants) et C (reste du territoire), les réservations d’appartements ont diminué fortement en 2019 (- 19 %), de même que celles des maisons du secteur groupé (- 21 %).
Le prix moyen des appartements pour ces deux zones s’est établi à 3 657 € le m² au 4e trimestre (+ 9,8 % sur un an) or, sur longue période, c’est dans ces zones que les prix ont le plus progressé (+ 2,9 % en moyenne par an).
Le nombre d’appartements proposés à la vente fin 2019 a baissé de 6,5 % par rapport à fin 2018, tandis que le nombre de maisons en secteur groupé s’est également contracté dans de fortes proportions (- 21 %).
L’évolution de la répartition de l’offre et des ventes de logements neufs par grandes zones, orientée par la politique du logement, concourt à la recomposition du marché de l’habitat et au phénomène de métropolisation du territoire.
La pandémie du Covid-19 vient s’ajouter aux difficultés du secteur qui redoute des impacts importants en 2020 : blocage durable des chantiers en cours en raison des mesures d’urgence sanitaire, effets de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars qui prévoit l’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et une adaptation des procédures, crainte d’un engorgement dans les différents services administratifs, freins supplémentaires dans les communes où un second tour d’élections municipales devra être organisé, etc. Plusieurs facteurs pourraient retarder de plusieurs semaines à quelques mois la reprise d’activité dans le secteur. Notamment, les professionnels du secteur s’inquiètent des impacts directs et indirects de la crise qui se traduiraient par des surcoûts de production de l’ordre de 10 %, et qui pourraient conduire les promoteurs à retarder de plusieurs mois le lancement de nouveaux projets.
Marché de la maison individuelle en secteur diffus : un secteur fortement dépendant de la politique du logement
La cible de ce marché se situe majoritairement en zone détendue et répond à la demande de ménages modestes : le prix moyen du foncier y est plus modéré, les coûts de construction mieux maîtrisés et des aides à l’accession permettent la réalisation de projets dans les limites de budgets contraints. Il répond aussi aux aspirations de nombreux ménages notamment avec enfants en recherche d’une qualité de vie alliant confort, surface et espaces verts.
Ce secteur a essuyé une crise sévère au milieu des années 2010 que le Plan de relance du Gouvernement de juin 2014, visant à soutenir l’accession à la propriété, a permis de surmonter, favorisant un retour à la croissance de courte durée. Mais depuis, les nouvelles orientations issues de la politique du logement, redessinée en 2018, ont conduit à réduire ou supprimer certaines aides d’accession à la propriété dans les zones détendues (territoires ruraux et périurbains), au profit du développement urbain des grandes métropoles et d’une relance des centres des villes moyennes qui vise plutôt à favoriser la rénovation dans l’ancien. Pourtant, dans sa Stratégie nationale bas-carbone, le Gouvernement veille à la prise en compte des problématiques liées aux évolutions du climat et à une consommation plus raisonnée des sources d’énergie. A ce titre, la production de logements permet d’accroître le parc d’habitations moins énergivores, le marché du neuf apparaît ainsi plus vertueux. Dans le même temps, la lutte contre l’artificialisation des sols en France malmène le modèle de la construction de maisons individuelles en secteur diffus même s’il offre une alternative abordable au besoin de logement de ménages modestes. D’autre part, les questions de transport et de mobilité domicile/travail pèsent négativement dans l’équation économique car l’éloignement des zones d’emploi constitue un poids dans le budget des ménages qui joue en défaveur du marché de la maison individuelle en secteur diffus.
En 2019, la reprise des ventes de maisons neuves en secteur diffus s’explique par les stimuli de la demande liés aux bonnes conditions de crédit et à l’amélioration du contexte économique (situation de l’emploi, mesures en faveur du pouvoir d’achat). Cette tendance s’est accélérée en toute fin d’année devant le risque de voir disparaître l’éligibilité du PTZ dans le neuf en zone B2 et C.
Les statistiques de production mesurées en nombre de logements individuels autorisés confirment cette tendance. Leur nombre cumulé sur une année glissante à fin décembre a progressé de 4,6 % alors qu’à la même période, en 2018, il reculait de presque 10 %. Quant au nombre de maisons individuelles commencées en secteur diffus, il baisse encore de 2,2 % mais plus modérément qu’en 2018 (- 4,2 %).
Le resserrement du périmètre géographique du prêt à taux zéro (PTZ) annoncé par le Gouvernement n’est plus d’actualité pour 2020 et 2021. Le risque de fléchissement rapide de la production pour des projets localisés en zones B2 et C en raison de ce motif est ainsi temporairement amoindri.
Mais ce marché va devoir affronter dès 2020 l’effet croisé du durcissement des critères d’octroi de crédit à l’habitat par les banques, tenues d’adapter leur offre aux recommandations du HCSF, qui pourrait impacter plus durement la clientèle historique du secteur de l’individuel diffus (primo-accédants, ménages à revenus plus faibles, zones détendues, jeunes), et d’un appauvrissement de celle-ci en raison du retournement de la conjoncture économique qui se profile avec la crise du Covid-19.
Sur un parc total estimé au 1er juillet 2018 à 36,5 millions de logements en France (Insee, SDES, sept. 2019), on dénombre 29,9 millions de résidences principales, dont 42,4 % sont occupées par des locataires. 7,4 millions de logements loués le sont par des bailleurs non sociaux (personnes physiques à hauteur de 97 %). Le dynamisme des ventes de logements s’est accompagné depuis 2015 d’une mobilité résidentielle plus soutenue.
Profitant des excellentes conditions de crédit qui permettent de mener à bien un projet immobilier, de nombreux locataires ont pu quitter le marché locatif, l’arbitrage entre acheter ou louer pesant en faveur de l’accession à la propriété. En 2018, 8,5 % du parc total de logements était vacant, en France, soit 3,1 millions de logements, selon l’INSEE. Cette part n’a cessé de progresser depuis la fin des années 1990 (6,9 % en 1999 et 7,2 % en 2010) après une période de baisse de 1980 à 1990 (7,6 % en 1982 et 7,2 % en 1990). La crise pandémique du Covid-19 pourrait avoir des conséquences plus immédiates et plus négatives sur le marché locatif. Dans les secteurs où l’économie est plus fragile, une hausse des impayés de la part des locataires pourrait survenir et fragiliser la situation d’investisseurs privés ayant souscrit à un dispositif de défiscalisation accompagné d’un crédit immobilier. Le plan d’urgence du Gouvernement mis en place dès mars pour soutenir l’économie française vise à préserver l’emploi et à maintenir les revenus des ménages salariés qui, pendant le confinement, sont susceptibles de bénéficier du dispositif de chômage partiel. Le recours au chômage partiel a été demandé pour 11,3 millions de salariés et il n’est pas d’actualité, pour l’heure, d’instaurer un blocage des loyers. Une telle option pourrait nuire durablement au marché de l’investissement locatif en affectant la confiance des investisseurs et en les dissuadant à terme d’entretenir le parc.
Par ailleurs, on a observé, depuis 2016, un regain d’intérêt des investisseurs institutionnels pour des actifs immobiliers résidentiels avec une hausse du nombre de ventes en bloc. Les caractéristiques du logement et sa résilience les ont de nouveau attirés. De plus, la conjoncture économique y était favorable, tandis que les marchés financiers sans risques voyaient leur rentabilité diminuer et que le spread des taux entre rendements des actifs tertiaires et résidentiels était de plus en plus faible. Après la crise sanitaire, les investisseurs institutionnels pourraient être incités à placer leurs avoirs sur des actifs immobiliers résidentiels qu’ils considéreraient comme moins risqués, plus liquides que d’autres désormais et potentiellement porteurs de plus-values à long terme.
Le résidentiel et les bureaux sont arrivés en troisième position des volumes investis en immobilier, derrière la logistique, avec un rendement global à 8,9 %, devant l’immobilier de santé à 8,5 % (source : indice MSCI France Property). « Le résidentiel est le secteur qui a affiché la plus faible performance, mais également la plus faible volatilité, tandis que les commerces ont enregistré la plus forte performance annualisée, mais la volatilité la plus forte également », selon MSCI.
En 2019, le montant global des investissements en actifs immobiliers résidentiels en France s’est élevé à 3,4 Md€ (source GIE Immostat), en retrait de 6 %. Cependant, la région d’Ile-de-France attire fortement les investisseurs : le volume investi a porté sur 2,3 Md€ et progressé de plus de 54 % par rapport à 2018.
Avec la mise à l’arrêt de l’économie, en raison du confinement imposé par la crise sanitaire puis du retournement de la conjoncture, tous les indicateurs suggèrent une année 2020 difficile pour le marché résidentiel :
• Baisse historique du PIB, montée du chômage et dégradation de la situation financière des ménages ;
• Près de 28 % de la population active en chômage partiel pendant plusieurs semaines ;
• Contexte propice à l’installation de facteurs de blocage psychologique ;
• Interruption de la chaîne des transactions immobilières pendant plusieurs semaines et réduction du volume annuel d’activité dans le neuf et dans l’ancien ;
• Gel temporaire de la grande majorité des chantiers de construction suivi d’une reprise progressive sous contraintes ;
• Moindre distribution de prêts à l’habitat (respect des recommandations du HCSF par les banques, effets collatéraux liés à l’abaissement du taux de l’usure) touchant davantage les clientèles modestes et investisseurs.
Il faut s’attendre ainsi à des volumes nettement moins importants dans les divers compartiments du marché, dans le neuf comme dans l’ancien. Toutefois, afin de soutenir le secteur de la construction et de l’immobilier, la Caisse des dépôts, bras financier de l’Etat, et le groupe Action Logement, organisme géré par le patronat et les syndicats, se sont engagés à produire ou financer la construction de 50 000 nouveaux logements d’ici un an, qui se répartiront dans les zones tendues, les quelque 200 villes du programme Action Cœur de Ville et l’Ile-de-France, et concerneront tant le secteur social et intermédiaire que l’habitat « abordable ».
Pour ce qui est des prix, pendant la période de blocage des ventes de logement, les évolutions restent en suspension. A la reprise d’activité, il est probable que le neuf en secteur « libre » mettra du temps à ajuster certaines grilles de prix en fonction des nouvelles contraintes que le secteur devra intégrer :
• Les coûts de construction tiendront compte des règles sanitaires et nouvelles procédures à respecter par les entreprises de bâtiment ;
• Les difficultés à remobiliser progressivement toutes les ressources induisant un décalage des plannings de chantiers supplémentaire ;
• Mais la crise pourrait inciter à la mise en place de procédés constructifs plus économiques à moyen terme.
Dans l’ancien, une phase d’attentisme pourrait succéder à l’épisode d’interruption d’activité. Le choc risque d’entraîner à terme une dispersion plus grande des valeurs, liée à la sélectivité retrouvée de la clientèle. Pour autant, un scénario de baisse brutale généralisée des prix du logement est difficilement envisageable en 2020 dans un contexte de taux durablement bas. La crise actuelle n’est pas de nature à affaiblir les tensions existant à Paris et dans les cœurs des grandes métropoles régionales, où l’offre était insuffisante.
Cette crise qui touche l’offre et la demande de logement va certes opérer une rupture brutale avec la situation antérieure au Covid-19, mais des éléments de soutien du logement pourraient amortir le choc du fait qu’il existe une aspiration toujours vive des ménages à l’accession à la propriété : taux d’intérêt toujours bas malgré un léger rebond, distribution du crédit maintenue, revalorisation de l’investissement immobilier dans un contexte d’effondrement de la Bourse, mesures spécifiques du Gouvernement.
Rédaction achevée en mai 2020 par Alain Tourdjman & Isabelle Friquet-Lepage – BPCE Etudes et Prospective, sous réserve d’évolutions de l’actualité économique et financière, ainsi que des dispositions fiscales, juridiques et réglementaires.