« C’est un fameux trois-mâts… »

Où l’on découvre les mille et une vies d’un voilier.

Début mai 1902. Le Belem, un élégant trois-mâts français destiné au transport de cacao des Amériques vers l’Hexagone, arrive à la Martinique. Hélas ! impossible d’amarrer au port de Saint-Pierre : sa place habituelle est prise par un autre navire ! Pas de chance, songe sans doute son équipage en partant chercher refuge à quelques kilomètres de là… Mais il va vite changer d’avis, car dans les jours qui suivent, une terrible explosion volcanique ravage Saint-Pierre, tuant la quasi-totalité de ses habitants et coulant les navires du port.
Le Belem s’en sort avec seulement quelques égratignures, et continue sa vie de navire marchand jusqu’en 1914. Après cela, il passe entre les mains de deux aristocrates britanniques qui en font un luxueux bateau de croisière, le renommant Fantôme II et lui ajoutant au passage des moteurs – il faut bien vivre avec son temps !
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le voilier est acheté par un grand capitaine d’industrie italien. Il prend alors ses quartiers à Venise, où il est utilisé comme navire-école pour les futurs membres de la marine marchande. Rebaptisé Giorgio Cini, il fait la fierté des habitants de la Sérénissime.
Pourtant, à la fin des années 1970, le trois-mâts est mis en vente… pour rembourser de coûteux travaux de restauration. Un passionné de voile découvre qu’il s’agit du Belem, construit à Nantes quelque huit décennies plus tôt.
Une compétition s’engage entre l’Italie et la France pour acquérir le prestigieux bâtiment : c’est à qui réunira les fonds le plus rapidement ! Fort heureusement, les Caisses d’Epargne viennent à la rescousse. C’est grâce à leur mobilisation qu’en 1979, le Belem finit par retrouver son nom et sa patrie d’origine.

Photographie : © Benjamin Decoin